La nouvelle version du projet de RLP de Troyes a été mise en ligne en avril, pour être présentée en conseil municipal avant cet été.
Le texte présente quelques avancées par rapport au précédent (en préconisant par exemple une certaine distance entre les panneaux numériques et les fenêtres, afin de protéger les riverains), mais cède devant les afficheurs sur d’autres points (la taille des panneaux numériques en zone 2 passe de 4m² à 8m²). L’ambition d’établir un cahier des charges technique limitant la pollution lumineuse est abandonnée, et pour cause : les experts de l’état ont eux-même fini par y renoncer après plusieurs années de casse-tête, et avancent désormais non plus des limites de luminance (difficilement mesurable) mais une notion d’éblouissement (par nature subjective)… Et surtout, le texte de Troyes permet toujours l’installation de panneaux numériques sur mobiliers urbains, abris-bus et sucettes d’information municipale.
Il y aurait beaucoup à redire sur ce texte (sur les bâches publicitaires, sur la dérogation qui permet d’apposer de la pub en secteur sauvegardé, sur les règles de densité qui sont trop permissives), mais pour être efficaces et parer au plus urgent, nous avons choisi d’interpeller les élus sur ce point précis, en leur demandant d’inscrire dans le texte l’interdiction de la publicité numérique sur mobiliers urbains. Voici le courrier que nous leur avons envoyé le 16 mai ; nous tentons aussi de les rencontrer pour leur exposer notre point de vue.
à l’attention de Mmes Philippon, Le Corre, Rouvre, Héliot-Couronne, Fraenkel, Gariglio, Lemelle, Patelli, Viardin, Rovelli, Lorenté, Portier-Guénin, Grandpierre, Royer, Leymberger, Lemeland, Thomas, Bazin-Malgras, Ouadah, Beury, Zajac, Chazelon, Amilhau et MM. Baroin, Sebeyran, Bret, Mandelli, Denis, Boisseau, Chevalier, Baudoux, Serra, Honoré, Richard, Dupaty, Dehaut, Menuel, De Faup, Goncalvès, Rudent, Marasse, Ouvrai, Somsois, Dahdouh, Blanchon, Sydor, Subtil, Arbona, Lucquin.
Troyes, le 16 mai 2018
Madame, Monsieur, élu-e du Conseil Municipal de Troyes
Vous serez bientôt appelé à voter le projet de règlement local de publicité de Troyes, document qui régit tout ce qui concerne l’affichage extérieur (publicité et enseignes). Nous, association Résistance à l’agression publicitaire, souhaitons porter à votre attention les faiblesses de ce projet concernant la protection des citoyens et du patrimoine troyens, notamment par l’autorisation de la publicité numérique sur mobilier urbain (c’est-à-dire les abris de bus et les « sucettes » d’information municipale).
Nous avons rencontré les Troyens cette automne pendant la concertation et ils sont globalement hostiles à ces écrans numériques. Il est de votre responsabilité de les entendre, et d’amender le texte dans ce sens :
– interdire la publicité numérique sur abri voyageur dans toute la ville
– interdire la publicité commerciale numérique sur les sucettes d’information municipale.
Voici le détail de nos arguments.
L’avant-projet de ce nouveau RLP a été soumis à concertation du public l’automne dernier. Un travail considérable a été réalisé par l’urbanisme sur le volet enseignes, sur lequel nous ne nous prononçons pas, ainsi que pour la transcription sur le territoire troyen de la nouvelle législation nationale en matière de publicité. Nous avons rencontré en début d’année Isabelle Héliot-Couronne et Valéry Denis pour leur faire part de nos remarques ; pourtant, la nouvelle version suscite toujours les mêmes inquiétudes sur ce point précis : le projet autorise la publicité numérique sur mobilier urbain.
Or les publicités numériques animées constituent une triple pollution.
Pollution visuelle et lumineuse : source de danger en détournant l’attention des usagers de la route, ces panneaux participent aussi à l’augmentation de la pollution lumineuse avec des impacts négatifs sur la faune, la flore ainsi que sur les humains (troubles du sommeil). De plus, il est aujourd’hui impossible d’établir des critères précis pour limiter la luminance – donc la nuisance – de ces panneaux.
Pollution énergétique et écologique : ces écrans représentent un gaspillage énergétique sans précédent, et là encore, les critères de consommation ne sont pas établis ; en outre, ils sont fabriqués à partir de matériaux qui sont extraits dans des conditions sociales et écologiques qui ne sont assurément pas climato-compatibles.
Pollution cognitive et mentale : ces dispositifs, auxquels il devient impossible d’échapper (animés, lumineux…), nous imposent des messages aux images et aux normes agressives et néfastes.
Nous attirons aussi votre attention sur les risques de fichage de la population, sous prétexte de proposer de la publicité ciblée. L’objectif revendiqué des afficheurs est de pouvoir installer des caméras, équipées de capteurs d’audience, dans ces écrans ; à l’heure du RGPD, il est indispensable de maîtriser les capteurs de données dans l’espace public – voyez, en 2013, l’exemple des poubelles connectées à Londres : non, ce n’est pas de la science-fiction !
Pourquoi insistons-nous sur le mobilier urbain ?
En France, le code de l’environnement impose sur les mobiliers urbains d’information (sucettes) qu’au moins la moitié de la surface soit réservée à l’information d’intérêt général ; or, même avec des affiches sur papier, cette règle n’est pas toujours respectée (voyez les deux sucettes qui donnent sur la place Alexandre Israël, et qui supportent habituellement de la publicité sur les deux faces, au nez et à la barbe du détenteur du pouvoir de police en la matière) !
C’est pourquoi nous recommandons d’exiger que seule l’information municipale soit numérique. Ainsi la Ville de Troyes peut garder le contrôle sur la quantité de publicité tout en gardant, si elle le souhaite, l’option d’un affichage numérique de ses informations municipales.
Quant aux abris de bus, ce sont des lieux qui accueillent des familles : comment tolérer l’installation d’écrans de 2 m² sous les yeux de jeunes enfants, qui y sont déjà trop exposés dans la sphère privée, de surcroît à l’âge où leurs cerveaux se développent ?
Il est donc indispensable d’y interdire la publicité numérique, afin de protéger les usagers de la TCAT, garantir la sécurité routière, mais aussi préserver le patrimoine – nous vous rappelons que dans le bouchon de champagne, il n’y a de publicité que sur mobilier urbain, et qu’il n’existe aucune règle permettant de limiter l’éclairement des panneaux numériques…
On nous objecte que de tels dispositifs ne seraient pas rentables à Troyes. Qui peut aujourd’hui l’affirmer ? Il y a 10 ans, le smartphone était un luxe réservé à quelques-uns ; aujourd’hui, tout le monde en a !
Madame, Monsieur, élu-e du Conseil Municipal de Troyes, le précédent RLP a été rédigé en 2000. Votre vote sera déterminant pour la qualité de vie des Troyens pour les décennies à venir. Comme l’ont déjà fait des villes aussi diverses que Colmar, Gif-sur-Yvette, Arles, Laon… ayez dès aujourd’hui le courage politique de déclarer que la publicité numérique est une nuisance, et interdisez-la !